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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 1.djvu/78

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Je résolus de tenter le hasard, et de les faire imprimer à vingt exemplaires sur beau papier, en beau caractère, par les soins du grand artiste en typographie, de l’Elzevir moderne, M. Didot. Je les envoyai à un de mes amis à Paris : il me les renvoya imprimés. Je fus aussi ravi, en me lisant pour la première fois, magnifiquement reproduit sur papier vélin, que si j’avais vu dans un miroir magique l’image de mon âme. Je donnai mes vingt exemplaires à mes amis : ils trouvèrent les vers harmonieux et mélancoliques ; ils me présagèrent l’étonnement d’abord, puis après l’émotion du public. Mais j’avais moins de confiance qu’eux dans le goût dépravé, ou plutôt racorni, du temps. Je me contentai de ce public composé de quelques cœurs à l’unisson du mien, et je ne pensai plus à la publicité.

Ce ne fut que longtemps après, qu’en feuilletant un jour mon volume de Pétrarque, je retrouvais ces vers, intitulés Méditation, et que je les recueillis par droit de primogéniture pour en faire la première pièce de mon recueil. Ce souvenir me les a rendus toujours chers depuis, parce qu’ils étaient tombés de ma plume comme une goutte de la rosée du soir sur la colline de mon berceau, et comme une larme sonore de mon cœur sur la page de Pétrarque où je ne voulais pas écrire, mais pleurer.