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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 10.djvu/323

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sorte que le concours des conspirateurs ne pouvait être aperçu, et que les vociférations se perdaient dans l’espace. Les portes et les volets toujours fermés donnaient à cette demeure l’apparence d’une maison de campagne inhabitée. Le concierge n’en ouvrait la porte que la nuit et sur des signes de reconnaissance convenus.

Il était plus de minuit quand les meneurs s’y rendirent par des sentiers différents, la tête encore échauffée des hymnes patriotiques et des fumées du vin. Par une de ces étranges coïncidences qui semblent quelquefois associer les grandes crises de la nature aux grandes crises des empires, un orage éclatait en ce moment sur Paris. Une chaleur lourde et morte avait tout le jour étouffé la respiration. D’épais nuages, marbrés vers le soir de teintes sinistres, avaient comme englouti le soleil dans un océan suspendu. Vers les dix heures, l’électricité s’en dégagea par des milliers d’éclairs semblables à des palpitations lumineuses du ciel. Les vents, emprisonnés derrière ce rideau de nuages, s’en dégagèrent avec le rugissement des vagues, courbant les moissons, brisant les branches des arbres, emportant les toits. La pluie et la grêle retentirent sur le sol comme si la terre eût été lapidée d’en haut. Les maisons se fermèrent, les rues et les routes se vidèrent en un instant. La foudre, qui ne cessa d’éclater et de frapper pendant huit heures de suite, tua plusieurs de ces hommes et de ces femmes qui viennent la nuit approvisionner Paris. Des sentinelles furent trouvées foudroyées dans la cendre de leur guérite. Des grilles de fer, tordues par le vent ou par le feu du ciel, furent arrachées des murs où elles étaient scellées par leurs gonds, et emportées à des distances incroyables. Les deux dômes naturels qui s’élèvent au-dessus de l’hori-