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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 10.djvu/407

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douleur dans l’âme des gardes-suisses et des gentilshommes dont on refusait le bras et le sang. Des larmes de honte roulaient dans leurs yeux. Quelques-uns arrachèrent de leur poitrine la croix de Saint-Louis et brisèrent leurs épées sous leurs pieds.

Pendant que M. de La Chesnaye faisait avancer l’escorte du roi pour former la haie autour de sa personne, ce prince s’arrêta quelques minutes dans son cabinet, parcourut lentement le cercle formé par les personnes de son intimité, et leur annonça sa résolution. La reine, assise et immobile, cachait son visage dans le sein de la princesse de Lamballe. La garde arriva. Le cortége défila en silence à travers une foule de visages consternés. Les yeux n’osaient rencontrer les yeux. En traversant la salle appelée l’Œil-de-Bœuf, le roi prit sans rien dire le chapeau du garde national qui marchait à sa droite, et mit sur la tête de ce grenadier son chapeau orné d’une plume blanche. Le garde national étonné ôta respectueusement de son front le chapeau du roi, le plaça sous son bras et marcha tête nue. Nul n’a su la pensée de Louis XVI en faisant cet échange. Se souvenait-il du bonnet rouge qui, posé sur sa tête, avait flatté le peuple au 20 juin, et voulait-il se populariser devant la garde nationale en se revêtant d’une partie de l’uniforme de l’armée civique ? Nul n’osa l’interroger sur ce geste ; mais on ne peut l’attribuer à la peur dans un prince si impassible devant l’outrage et si serein devant la mort.

Au moment de quitter le péristyle et de faire le dernier pas hors du seuil de son palais, le roi, s’adressant au procureur-syndic qui marchait devant lui : « Mais que vont devenir, dit-il, nos amis qui sont restés là-haut ? » Rœderer rassura le prince sur leur sort en lui disant que rien ne s’op-