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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 10.djvu/72

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plus tard les Girondins, le roi, la reine, son armée, les Jacobins, Danton, Robespierre lui-même. C’est ce que les grands hommes appellent leur étoile, étoile qui marche devant eux et qui leur prépare les voies : l’étoile de Dumouriez était la séduction ; mais cette séduction elle-même n’était que l’entraînement de ses idées justes, pressées, rapides, dans l’orbite desquelles l’incroyable activité de son esprit emportait l’esprit de ceux qui l’écoutaient penser ou qui le voyaient agir. Gensonné, au retour de sa mission, avait voulu enrichir son parti de cet homme inconnu, dont il pressentait de loin la grandeur. Il présenta Dumouriez à ses amis de l’Assemblée, à Guadet, à Vergniaud, à Roland, à Brissot, à de Grave ; il leur communiqua l’étonnement et la confiance que les doubles facultés de Dumouriez, comme diplomate et comme militaire, lui avaient inspirés à lui-même. Il leur en parla comme du sauveur caché que la destinée préparait à la liberté. Il les conjura de s’attacher cet homme, qui les grandirait en grandissant par eux.

À peine eurent-ils vu Dumouriez qu’ils furent convaincus. Son esprit était électrique. Il frappait avant qu’on eût le temps de le discuter. Les Girondins le présentèrent à de Grave, de Grave au roi. Le roi lui proposa le ministère provisoire des affaires étrangères, en attendant que M. de Lessart, envoyé à la haute cour, eût démontré son innocence à ses juges et pût reprendre la place qu’il lui réservait dans son conseil. Dumouriez refusa ce rôle de ministre intermédiaire, qui l’effaçait et l’affaiblissait devant tous les partis en le rendant suspect à tous. Le roi céda, et Dumouriez fut nommé.