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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/264

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« Et maintenant, Seigneur, disait-il à voix basse,
Ma journée est finie et mon vieux corps se lasse.
Mes jours, tu le sais bien, ont été longs et lourds !
Ô père ! oh ! reprends-moi le fardeau de mes jours !
Rappelle à toi, mon Dieu, ton serviteur qui tombe ;
Je ne descendrai plus tout entier dans la tombe ;
Je n’emporterai pas ton saint nom avec moi.
J’ai là deux cœurs d’enfants pour hériter de toi :
Ton nom, que j’ai sauvé seul du vaste naufrage,
D’un monde rajeuni sera pour eux le gage.
Comme ils sont nés de moi, des enfants d’eux naîtront.
Aux fils de leurs amours leurs fils le transmettront :
Ta grâce sur le monde en étendra la trame,
Et tes adorateurs seront fils de mon âme !
La terre a bu ta loi pour vivre et refleurir !
Gloire à ton nom divin ! tu vis ! je puis mourir !… »

Comme il disait ces mots, et que ses mains dressées
Retombaient vers le sol du poids de ses pensées,
Dans l’immobilité d’un grand recueillement,
On entendit dans l’air un sourd frémissement,
Semblable au vol soudain dés ailes de l’orage,
Quand la foudre et l’éclair luttent dans le nuage,
Et que la mer bouillonne et blanchit sur l’écueil.
Le vieillard à l’instant fut debout sur le seuil,
Et, pressant contre lui leur beau groupe qui tremble,
Les époux vers le ciel regardèrent ensemble.
Mais à peine avaient-ils cherché des yeux dans l’air,
Que, d’un vol plus bruyant et plus prompt que l’éclair,