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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/61

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Afin de dégoûter par ce brûlant portrait
Ses yeux de tout mortel que son cœur rêverait ?
Aussi, grâce à ce corps dont je prends l’apparence,
Elle voit les mortels avec indifférence,
Et son cœur n’a d’amour que pour ce front charmant
Que mon instinct jaloux lui présente en dormant.
Oh ! que devant ses yeux nul autre ne l’efface !
Daïdha ! que ne puis-je animer cette glace
Où sous des traits menteurs chaque nuit tu me vois !
Lui souffler mes transports, lui donner une voix
Pour dire à ton oreilles étonnée et ravie
Des mots assez ardents pour consumer ta vie !
Si Dieu me permettait seulement, quand tu dors,
Sur mes ailes d’amour d’enlever ce beau corps,
De te bercer au ciel dans cet air diaphane,
Sans posséder les sens de ce limon profane,
Pour voir à ton réveil éclore dans tes yeux
Un rayon plus vivant que ces lueurs des cieux,
Pour toucher ces cheveux dont le réseau te voile,
Plus noirs sur ton cou blanc que la nuit sans étoile ?
Respirer sur ta lèvre un souffle suspendu,
Ou comme ce reflet de l’astre descendu
T’enveloppant de jour, de tiédeur, de mystère,
De mon regard aimant te faire une atmosphère !
Oh ! si pour te parler je pouvais seulement
Transfigurer mon être et descendre un moment !!!
Mais déchoir de sa race est l’éternelle honte :
Dieu souffre qu’on descende, et jamais qu’on remonte !
Des anges consumés du même feu que moi
Ont éprouvé, dit-on, cette inflexible loi,