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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 32.djvu/250

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RAPHAËL

perfection de celle que j’aimais. J’entrai dans le ciel des intelligences en pénétrant des yeux et du cœur dans cette mer de beauté, de sensibilité, de pureté, de mélancolie et d’amour qui s’entrouvrait d’heure en heure davantage dans les yeux, dans la voix, dans les entretiens de la femme qui venait de se manifester à moi. Combien de fois je me mis à genoux devant elle dans le sentiment de l’adoration. Combien de fois je la priai, comme on prie un être d’une autre nature, de me laver dans une de ses larmes, de me brûler dans une de ses flammes, de me purifier dans le feu céleste dont elle était consumée, afin que je devinsse elle ou qu’elle devînt moi, et que Dieu lui-même en nous rappelant devant lui ne pût plus reconnaître ni séparer ce que le miracle de l’amour aurait transformé et confondu !… Oh ! si vous avez un frère, un fils ou un ami qui n’ait jamais compris la vertu, priez le ciel qu’il le fasse aimer ainsi. Tant qu’il aimera, il sera capable de tous les dévouements, de tous les héroïsmes pour s’élever au niveau de son amour. Et quand il n’aimera plus, il lui restera à jamais dans l’âme un arrière-goût de volupté chaste qui le dégoûtera des eaux du vice, et un coup d’œil secrètement levé vers la source où il lui fut permis de boire une fois !

XLV

Je ne puis dire combien de salutaires hontes de moi-même me saisissaient en présence de celle que j’aimais ; mais ses reproches étaient si tendres ; mais ses regards, quoique si pénétrants, étaient si doux ; mais ses pardons étaient si divins, qu’en m’humiliant devant elle je ne me sentais pas abaisser, mais je me sentais relever et grandir. Je croyais presque sentir éclore de ma propre nature en