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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 32.djvu/320

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RAPHAËL

dans sa conduite et dans son langage devant Louis XIV, le despotisme d’un théocrate et les complaisances d’un courtisan.

XCV

De ces études historiques et oratoires, je passai naturellement à la politique. Le sentiment du joug à peine brisé de l’empire et l’horreur du régime militaire que nous venions de subir m’emportaient vers la liberté. Les souvenirs de famille, l’entraînement des amitiés, le pathétique de la situation de cette maison royale passant du trône à l’échafaud et à l’exil, reportée de l’exil au trône ; cette princesse orpheline dans le palais de ses pères ; ces vieillards couronnés de leur infortune autant que de leurs aïeux ; ces princes dont la jeunesse et les malheurs, maîtres sévères, permettaient de tout espérer : tout cela me faisait désirer que le trône antique et la liberté récente pussent se concilier avec cette royauté de nos pères. Le gouvernement aurait eu ainsi les deux grands prestiges des choses humaines : l’antiquité et la nouveauté ; le souvenir et l’espérance. C’était un beau rêve naturel à mon âge.

Chaque matin en dissipait une partie dans mon esprit. J’entrevoyais bien avec douleur que les vieilles formes contiennent mal les idées nouvelles, et que jamais la monarchie et la liberté ne tiendraient ensemble dans le même nœud, sans un éternel tiraillement ; que ce tiraillement épuiserait les forces de l’État ; que la monarchie serait perpétuellement suspecte et la liberté perpétuellement trahie. Sans être fanatique de la république, je l’entrevoyais, dans un lointain, comme une dernière forme des sociétés perfectionnées.