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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 32.djvu/348

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RAPHAËL

que je ne pouvais dissimuler en le lui remettant. En comptant les trente louis qu’il m’en donna, mes doigts laissèrent tomber cet or, comme s’il eût été le prix d’une profanation. Oh ! combien de diamants d’un prix vingt fois supérieur n’aurais-je pas donnés souvent depuis pour racheter, ce même diamant, ce diamant unique pour moi, un morceau du cœur de ma mère !… Cet anneau, à quel doigt aura-t-il passé ?…

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CXX

Mais le printemps était venu. Les Tuileries couvraient, le matin, les oisifs de l’ombre verte des feuilles et de la neige odorante des marronniers. Du haut des ponts, j’apercevais, au delà de l’horizon de pierre de Chaillot et de Passy, les longues lignes ondulées et verdoyantes des collines de Fleury, de Meudon et de Saint-Cloud. Ces collines semblaient sortir comme des îles de solitude et de fraîcheur de cet océan de craie ; elles me rappelaient les images, les souvenirs et les soifs de la nature que je venais d’oublier six mois. Le soir, la lune flottait avec ses scintillements sur les ondes tièdes de la rivière. L’astre rêveur ouvrait, à l’extrémité du lit de la Seine, des avenues lumineuses et des perspectives fantastiques, où l’œil allait se perdre dans des paysages de vapeur et d’ombre. L’âme y suivait involontairement les yeux. Les devantures des boutiques, les balcons et les fenêtres des quais étaient couverts de vases de fleurs ; elles répandaient leurs parfums jusque sur la tête des passants. Aux coins des rues et au bout des ponts, les bouquetières, assises derrière un rideau de plantes épa-