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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 32.djvu/357

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RAPHAËL

grande nouvelle longtemps et péniblement attendue : Raphaël ! il y a un Dieu !

» — Et qui vous l’a enfin révélé mieux aujourd’hui que tout autre jour ? lui dis-je.

» — L’amour !… me répondit-elle en levant lentement vers le ciel les globes de ses beaux yeux mouillés ; oui, l’amour dont je viens de sentir les torrents couler dans mon cœur avec des murmures, des jaillissements et des plénitudes que je n’avais pas encore éprouvés avec la même force et avec la même paix. Non, je ne doute plus, continua-t-elle avec un accent où la certitude se mêlait à la joie ; la source d’où peut couler dans l’âme une telle félicité ne peut être sur la terre, cette source ne peut s’y perdre, après en avoir jailli ! Il y a un Dieu ! il y a un éternel amour dont le nôtre n’est qu’une goutte. Nous irons la confondre ensemble dans l’océan divin où nous l’avons puisée. Cet océan, c’est Dieu ! Je l’ai vu, je l’ai senti, je l’ai compris en ce moment par mon bonheur ! Raphaël ! ce n’est plus vous que j’aime ! ce n’est plus moi que vous aimez ! c’est Dieu que nous adorons désormais l’un et l’autre ! vous à travers moi ! moi à travers vous ! vous et moi à travers ces larmes de béatitude qui nous révèlent et qui nous cachent à la fois l’immortel foyer de nos cœurs !… Périssent, ajouta-t-elle avec plus d’ardeur de regard et d’accent, périssent les vains noms que nous avons jusqu’ici donnés à nos entraînements l’un vers l’autre ! Il n’y en a plus qu’un qui l’exprime : c’est celui qui vient enfin de se révéler à moi dans vos yeux : Dieu ! »

Nous nous levàmes dans un élan d’enthousiasme. Nous bénîmes l’arbre et les racines sur lesquelles nous nous étions assis et les rameaux pour l’inspiration qui était descendue sur nous. Et nous lui donnàmes un nom, nous l’appelâmes l’arbre de l’adoration !

Nous descendîmes à pas lents la rampe de Saint-Cloud