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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 32.djvu/502

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DE SAINT-POINT.

Claude fût confiant et simple dans son attitude et dans son langage, il n’était point familier. Il avait cette convenance naturelle qui commande tous les respects en les observant. Il maintenait ses distances comme un bon fantassin, qui ne doit ni se laisser atteindre par celui qui marche derrière lui, ni marcher lui-même sur le pied de celui qui le devance. Il sentait et il marquait sa place dans la création, comme il sentait et marquait la place des autres. Une décence souveraine et non apprise l’enveloppait d’une naturelle dignité. On voyait qu’il se trouvait petit parmi les hommes, mais qu’il se respectait en Dieu. Voici et peu près notre entretien de ce jour-là.

Moi. — Vous m’avez dit, Claude, il y a huit jours, en me racontant vos peines, que vous aviez un ami dans le sein de qui vous les versiez toutes, et qui les adoucissait un peu pendant votre longue absence des Huttes. Quel était donc cet ami qui vous tenait lieu de votre mère, de Denise, de votre montagne, de votre cœur même que vous y aviez laissé ?

Lui. — Je suis bien hardi, monsieur, peut-être, d’avoir osé me servir de ce nom ; il me le pardonnera ; cet ami, monsieur, c’était le bon Dieu.

Moi. — Et qui est-ce qui vous avait parlé de lui ?

Lui. — Sauf ma mère, quasi personne, monsieur ; mais c’était lui-même qui m’avait toute ma vie parlé dans le cœur.

Moi. — Et qu’est-ce qu’il vous disait ? Et qu’est-ce que vous lui disiez vous-même dans ces rapprochements intérieurs qui vous rendaient si patient envers vous-même et si serviable envers les autres ?

Lui. — Ce qu’il me disait, monsieur, il me serait bien impossible de vous le redire : car Dieu ne parle pas la langue des savants comme vous, ni le patois des simples comme moi. Je ne sais pas comment il se faisait entendre à mon faible esprit ; mais je l’entendais en moi, quand je me