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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 32.djvu/506

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DE SAINT-POINT.

un homme qui ne sait pas ce qu’il veut et qui se laisse fléchir d’un côté ou de l’autre par la prière, par les larmes du dernier qui parle ?

Lui. — Oh ! non, monsieur ; mais je crois que le bon Dieu, en nous créant pour faire sa volonté, a prévu que nous aurions besoin de ceci, de cela, pendant notre passage sur la terre ou ailleurs, et qu’il a lui-même donné à ses pauvres créatures l’instinct de lui demander ce que nous désirons, ne fût-ce que pour nous maintenir en adoration, en désir et en reconnaissance, perpétuellement devant lui. Il fait ce qu’il veut ; mais, nous autres, nous faisons ce qu’il nous inspire en le priant. Demander et recevoir, est-ce que ce n’est pas tout l’homme, monsieur ? Pourquoi donc, nous qui demandons tout à ceux qui ont si peu à donner, ne demanderions-nous pas sans cesse à celui qui à tout ? Je sais bien qu’on dit : « Mais toute volonté du bon Dieu est éternelle et immuable comme lui-même ; donc c’est inutile de chercher à la changer par la prière. » Mais moi, je pense qu’il a prévu de toute éternité que nous lui demanderions par la prière telle ou telle grâce, et qu’il l’a aussi accordée d’avance de toute éternité à la prière que nous lui ferions, de manière que ce changement soi-disant de sa volonté n’en est au fond que l’accomplissement éternel. Je me dis quelquefois : « Le seigneur est semblable à l’architecte d’un dôme de fer comme j’en ai vu, qui laisse du jeu entre les matériaux qui forment sa charpente, afin que le fer s’allonge ou se raccourcisse librement, selon les saisons, sans que ça rompe son mécanisme. » Ce jeu de l’architecte de là-haut, monsieur, qui laisse son effet à sa volonté immuable, en laissant son effet à l’invocation des hommes, je me figure que c’est la prière. C’est bien bête, n’est-ce pas ? Mais, que voulez-vous ? nous sommes tous bêtes quand nous parlons du bon Dieu. D’ailleurs, continua-t-il, quand même cela serait inutile, c’est égal, c’est toujours si consolant de parler là-haut !