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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 34.djvu/116

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CICÉRON.

À ce moment, la chaloupe touchant au rivage, et Pompée prenant la main de Philippe, son affranchi, pour se lever de son banc et pour poser le pied sur la terre, Septimius, comme s’il n’eût osé frapper une si grande victime en face, lui plongea son épée par derrière dans le corps ; Salvius et Achillas, redoublant les coups, le percèrent à leur tour de leurs épées. Pompée, sans chercher à se défendre, et sans paraître même s’étonner, s’enveloppa la tête d’un par de sa toge, comme pour dérober toute agonie indigne de lui au soleil, et, tombant ainsi enveloppé aux pieds de ses assassins, il mourut sans faire entendre un autre reproche aux dieux, ou un autre adieu à la vie, qu’un léger soupir.

À la lueur du soleil sur les épées, et à la chute de Pompée dans la barque, Cornélie tombe en tendant les bras vers son mari, comme si sa main pouvait écarter de si loin le coup qui le frappe. La galère, épouvantée, s’enfuit à force de rames, et l’emporte mourante sur la haute mer.

Septimius, Salvius, Achillas et leurs esclaves, ayant coupé la tête de Pompée, pour la porter à Ptolémée, et pour en faire un tribut à César, jetèrent son corps hors de la barque, et l’abandonnèrent sur le sable aux oiseaux de proie et à l’écume des flots. Les pêcheurs et la populace curieuse se rassasièrent à loisir tout le jour de ce cadavre. Quand la nuit fut venue et que le rivage fut désert, l’affranchi de Pompée, Philippe, qui seul n’avait pas abandonné le corps de son maître, le lava pieusement dans l’eau de la mer, et l’ensevelit dans sa propre chemise, dont il se dépouilla pour lui servir de linceul. Puis, cherchant au loin sur la côte quelques débris de barques rejetés par les flots, et les rapportant un a un, afin d’en construire un bûcher pour brûler le corps selon les rites antiques, il parvint avec peine à réunir un petit monceau de bois suffisant pour consumer un corps faible et nu, et qui n’était plus même entier.