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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 34.djvu/332

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CÉSAR.

César se hâta d’y échapper pour aller soumettre en Espagne les légions que Pompée y avait impolitiquement laissées, inutiles à Rome, à l’Italie et à lui-même. On ignore par quel motif, impossible à comprendre de si loin, César, peu sûr encore de l’Italie, au lieu de marcher droit et vite à Pompée lui-même en Grèce et d’anéantir à la fois tout le parti de la république dans une seule défaite, commença par une campagne hasardeuse et inutile contre les lieutenants de Pompée en Espagne. Dans tout autre homme, ce serait une faute ; dans César, aussi soldat que politique, on doit présumer que ce fut une combinaison de génie. Peut-être craignait-il que Pompée ne rappelât ces légions aguerries d’Espagne en Grèce ; peut-être voulut-il, selon son expression pittoresque, en partant de Rome, « aller d’abord combattre en Espagne une armée sans général, pour revenir ensuite en Grèce combattre un général sans armée. »

On ne peut, en effet, s’étonner assez de l’impéritie de Pompée laissant ses légions de vétérans combattre pour lui et sans lui au delà des Pyrénées, pendant qu’il restait lui-même en Grèce à la tête d’une armée de jeunes patriciens sans habitude des armes, et de volontaires plus citoyens que soldats.

César, portant rapidement en Espagne des légions de Gaulois et de Germains aguerris dans ses camps, mal combattu par les lieutenants de Pompée, plus mal par les Espagnols, cher aux soldats mêmes, qui résistaient par devoir, mais dont sa renommée embauchait les cœurs, vainquit, subjugua, pacifia en peu de mois l’Espagne romaine, et put écrire à Rome le fameux symbole de l’éclair : « Veni, vidi, vici. J’ai paru, j’ai vu, j’ai vaincu. »

À son retour, Pompée n’avait plus d’armée qu’en Grèce. Mais il avait profité de l’absence, du temps, de la diversion hasardeuse de César en Espagne pour rallier à sa