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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 41.djvu/374

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CHAPITRE IX.

n’avait qu’à emprunter le lendemain l’habit de la confrérie pour marcher au supplice, où tous les pénitents noirs l’accompagneraient en priant pour son âme.

Cette robe, qu’on mettait par-dessus ses habits, ressemblait à un linceul qui cachait les pieds et les mains en traînant jusqu’à terre ; en abattant son capuchon percé de deux trous à la place des yeux, on voilait entièrement son visage.

Hyeronimo, à qui j’avais fait la leçon, parce que la femme du bargello m’avait raconté cette coutume accepta l’habit et le déposa sur son lit pour le revêtir le lendemain, et remercia bien les frères de la Sainte-Mort. Il resta seul, et le jour s’éteignit dans la cour. Je m’y glissai sans rien dire avant le moment où le bargello allait fermer.

Il crut que la faiblesse de mon âge me rendait trop pénible, ce soir-là, la vue d’un homme qui devait mourir le lendemain et dont on entendait déjà l’agonie tinter dans tous les clochers de Lucques et même aux villages voisins. Quant à lui et à sa femme, ils ne se couchèrent seulement pas, les braves gens, mais ils se relayèrent toute la nuit derrière la porte du préau, pour dire en pleurant les psaumes de la pénitence. Que Dieu le leur rende à leur dernier jour, ils ont bien prié, et pour moi sans le savoir ! Mais nous sommes dans un monde où rien n’est perdu, n’est-ce pas, ma tante ?