Aller au contenu

Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 41.djvu/90

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
89
CHAPITRE DEUXIÈME.

Ah ! dans ton sein que leur âme se noie !
Mais garde-nous nos places dans leur cœur.
Eux qui jadis ont goûté notre joie,
Pouvons-nous être heureux sans leur bonheur ?

Étends sur eux la main de ta clémence !
Ils ont péché : mais le ciel est un don !
Ils ont souffert : c’est une autre innocence !
Ils ont aimé : c’est le sceau du pardon.

Ils furent ce que nous sommes,
Poussière, joue ! du vent ;
Fragiles comme des hommes,
Faibles comme le néant !
Si leurs pieds souvent glissèrent,
Si leurs lèvres trangressèrent
Quelque lettre de ta loi,
Ô Père, ô Juge suprême,
Ah ! ne les vois pas eux-mêmes ;
Ne regarde en eux que toi !

Si tu scrutes la poussière,
Elle s’enfuit à ta voix ;
Si tu touches la lumière,
Elle ternira tes doigts ;
Si ton œil divin les sonde,
Les colonnes de ce monde
Et des cieux chancelleront ;
Si tu dis à l’innocence,
« Monte et plaide en ma présence ! »
Tes vertus se voileront.