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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 8.djvu/136

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également satisfaits l’un de l’autre. Nous employâmes la journée du lendemain à parcourir le village, qui contient environ deux cents maisons et cinq églises. Les habitants, chrétiens syriaques, fabriquent des machlas et des abas noirs, et s’occupent fort peu de culture, pour laquelle le manque d’eau se fait vivement sentir. Il n’y a dans ce village qu’une seule petite source, dont la distribution des eaux est réglée par un sablier. Elle suffit à grand’peine à irriguer les jardins, qui dans ce climat, où il pleut rarement, ne sauraient produire sans arrosement. On voit certaines années où il ne tombe pas même une seule goutte d’eau. Les récoltes du territoire suffisent à peine pour six mois, et le reste de l’année les habitants sont obligés d’avoir recours à Homs.

Au milieu du village s’élève une tour antique d’une hauteur prodigieuse : elle date de la fondation d’une colonie dont le scheik nous raconta l’histoire. Ses fondateurs étaient originaires de Tripoli de Syrie, où leur église existe encore. Dans le temps le plus florissant de l’empire d’Orient, les Grecs, pleins d’orgueil et de rapacité, tyrannisaient les peuples conquis. Le gouverneur de Tripoli accablait les habitants d’avanies et de cruautés ; ceux-ci, trop peu nombreux pour résister, et ne pouvant plus supporter ce joug, se concertèrent ensemble au nombre de trois cents familles ; et, ayant secrètement réuni tout ce qu’ils pouvaient emporter de précieux, ils partirent sans bruit au milieu de la nuit, allèrent à Homs, et de là se dirigeaient vers le désert de Bagdad, lorsqu’ils furent atteints par les troupes grecques que le gouverneur de Tripoli avait envoyées à leur poursuite. Ils soutinrent un combat opiniâtre et san-