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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 8.djvu/196

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promirent de venir à son aide l’année suivante, la saison de se retirer à l’orient étant alors arrivée. Comme nous étions campés très-près de Coriétain, je proposai d’aller chercher Scheik-Ibrahim. Le drayhy accepta mon offre avec empressement, et me donna une forte escorte. Je ne saurais peindre le bonheur que j’éprouvai à revoir M. Lascaris, qui me reçut avec une grande effusion de cœur : pour moi, je l’embrassai comme un père, car je n’avais jamais connu le mien, qui mourut pendant ma première enfance. J’employai la nuit à lui raconter tout ce qui s’était passé. Le lendemain, prenant congé de nos amis le curé Moussi et le scheik Selim, j’emmenai Scheik-Ibrahim, qui fut reçu avec la plus haute distinction par le drayhy. On nous donna un grand festin de viande de chameau, que je trouvai moins mauvaise que la première fois, car je commençais à m’accoutumer à la nourriture des Bédouins. Les chameaux destinés à être tués sont blancs comme la neige, et ne sont jamais ni chargés ni fatigués ; leur viande est rouge et très-grasse ; les chamelles ont une grande abondance de lait ; les Bédouins en boivent continuellement, et donnent l’excédant à leurs chevaux de race, que cette boisson fortifie beaucoup ; ils consomment ainsi tout le lait, parce qu’il n’est point propre à faire du beurre. Nous avons fini par en trouver le goût préférable à celui du lait de chèvre et de brebis.

Une attaque des Wahabis, peu de temps après l’arrivée de M. Lascaris, fit perdre au drayhy quelques cavaliers et beaucoup de bestiaux. Le lendemain, Scheik-Ibrahim me prit à part, et me dit : « Je suis content du drayhy, c’est bien l’homme qu’il me faut ; mais il est indispensable qu’il devienne chef général de tous les Bédouins, depuis Alep