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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 8.djvu/206

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que les chefs écoutaient d’un air mécontent. Comme, à notre arrivée, ils se levèrent pour nous saluer, le mollah demanda qui nous étions ; et ayant appris notre qualité de chrétiens : — « Il est défendu, dit-il, par les lois de Dieu, de se lever pour des infidèles. Vous serez tous maudits pour avoir commerce avec eux, vos femmes seront illégitimes et vos enfants bâtards. Ainsi l’a décrété notre seigneur Mahomet, dont le nom soit vénéré à jamais ! »

Le drayhy, sans attendre la fin de son discours, se lève en fureur, le saisit par la barbe, le jette par terre, et tire son sabre ; Scheik-Ibrahim s’élance et retient son bras, le conjurant de se modérer ; enfin l’émir consent à lui couper la barbe au lieu de la tête, et le chasse ignominieusement.

Le drayhy ayant attaqué la tribu de Beni-Sakhrer, la seule qui s’opposât encore à lui dans le pays, la battit complètement.

Cependant l’automne étant venu, nous commençâmes à regagner le levant. À notre approche de Homs, le gouverneur envoya au drayhy quarante chameaux chargés de blé, dix machlas et une pelisse d’honneur. Scheik-Ibrahim m’ayant pris en particulier, me dit : « Nous allons dans le désert, nous avons épuisé nos marchandises ; que faut-il faire ? — Donnez-moi vos ordres, lui répondis-je. J’irai secrètement à Alep chercher ce qu’il nous faut, et je m’engage à ne pas me faire connaître même de ma famille. » Nous convînmes que je rejoindrais la tribu à Zour, et je me rendis à Alep. Je fus loger dans un kan peu fréquenté, et éloigné de toutes mes connaissances. J’envoyai un étran-