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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 8.djvu/211

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apposèrent l’empreinte de leur doigt. Parmi ces chefs, je remarquai un jeune homme qui, depuis l’âge de quinze ans, gouvernait la tribu El-Ollama. Ceux qui la composent sont fort supérieurs aux autres Bédouins. Ils cultivent la poésie, ont de l’instruction, et sont en général très-éloquents. Ce jeune scheik nous raconta l’origine de sa tribu.

Un Bédouin de Bagdad jouissait d’une grande réputation de sagacité. Un jour un homme vint le trouver, et lui dit : « Depuis quatre jours, ma femme a disparu ; je l’ai cherchée en vain. J’ai trois enfants qui pleurent ; je suis au désespoir : aidez-moi de vos conseils. » Aliaony console ce malheureux, l’engage à rester auprès de ses enfants, et lui promet de chercher sa femme, et de la ramener morte ou vive. Ayant recueilli toutes les informations, il apprend que cette femme était d’une beauté remarquable ; il avait lui-même un fils fort libertin, absent depuis peu de jours. Le soupçon comme un éclair traverse sa pensée ; il monte son dromadaire et parcourt le désert. Il aperçoit de loin des aigles réunis ; il y court, et trouve à l’entrée d’une grotte le cadavre d’une femme. — Il examine les lieux, et voit les traces d’un chameau ; il trouve à ses pieds une partie de la garniture d’une besace : il emporte ce muet témoin, et revient sur ses pas. De retour à sa tente, il voit arriver son fils : à sa besace déchirée manque la fatale garniture. Accablé de reproches par son père, le jeune homme avoue son crime ; Aliaony lui tranche la tête, envoie chercher le mari, et lui dit : « C’est mon fils qui a tué votre femme ; je l’ai puni : vous êtes vengé. J’ai une fille, je vous la donne en mariage. » Ce trait de barbare justice étendit encore la réputation d’Aliaony ; il fut élu chef de sa tribu, et de son