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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 8.djvu/233

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tigue, me fit désespérer d’arriver jusqu’au puits, où il me semblait qu’ils ne laisseraient plus une goutte d’eau pour moi ; et je me jetai à terre en pleurant. Me voyant en cet état, ils revinrent sur leurs pas, et m’encouragèrent à faire un effort pour les suivre. Arrivés au bord du puits, l’un d’eux, s’appuyant sur le parapet, tira son sabre, disant qu’il trancherait la tête à celui qui oserait s’approcher. « Laissez-vous gouverner par mon expérience, ajouta-t-il, ou vous périrez. » Son ton d’autorité nous imposa, et nous obéîmes en silence. Il nous appela un à un, et nous fit pencher sur le bord du puits, pour respirer d’abord l’humidité. Ensuite il puisa une petite quantité d’eau et l’approcha de nos lèvres avec ses doigts, en commençant par moi ; peu à peu il nous permit d’en boire une demi-tasse, puis une tasse entière ; il nous rationna ainsi pendant trois heures, puis il nous dit : — « Buvez maintenant, vous ne risquez rien ; mais si vous ne m’aviez pas écouté, vous seriez tous morts, ainsi qu’il arrive à ceux qui, après une longue privation, se désaltèrent sans précaution. »

Nous passâmes la nuit en cet endroit, buvant continuellement, autant pour suppléer à la nourriture que pour apaiser notre soif ; et, plus nous buvions, plus nous avions envie de boire. Le lendemain, nous montâmes sur une éminence, pour découvrir un plus vaste horizon ; mais hélas ! aucun objet ne se présentait à notre vue dans cet immense désert. À la fin cependant, un des Bédouins crut apercevoir quelque chose dans le lointain, et déclara que c’était un haudag, couvert de drap écarlate et porté sur un chameau de grande taille. Ses compagnons ne voyaient rien ; mais, n’ayant pas de meilleur indice à suivre, nous nous