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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 8.djvu/250

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mettre en route pour le rejoindre ; il avait mis à notre disposition trois chameaux, deux juments et quatre guides.

Le jour de notre départ de Homs, je sentis un serrement de cœur si extraordinaire, que je fus tenté de le prendre pour un funeste pressentiment. Il me semblait que je marchais à une mort prématurée ; je me raisonnai pourtant de mon mieux, et finis par me persuader que ce que j’éprouvais était le résultat de l’abattement dans lequel m’avait plongé la douloureuse lettre de ma mère. Enfin nous partîmes, et après avoir marché toute la journée, nos guides nous persuadèrent de continuer notre route la nuit, n’ayant que vingt heures de trajet. Il ne nous arriva rien de particulier jusqu’à minuit. Le mouvement monotone de la marche commençait à nous assoupir, lorsque le guide qui était en avant, s’écria :

« Ouvrez bien les yeux et prenez garde à vous, car nous sommes au bord d’un précipice profond. »

Le chemin n’avait qu’un pied de large : à droite une montagne à pic, à gauche le précipice appelé Wadi-el-Hail. Je me réveillai en sursaut, me frottai les yeux, et repris la bride que j’avais laissée flotter sur le cou de ma jument ; mais cette précaution, qui devait me sauver, fut précisément ce qui faillit causer ma mort ; car l’animal ayant butté contre une pierre, la peur me fit tirer les rênes trop brusquement ; il se cabra, et, en voulant reprendre terre, perdit la trace de la route, ne trouva que le vide, et culbuta avec moi au fond du précipice. Ce qui se passa après ce moment d’angoisses, je l’ignore ; voici ce que Scheik-Ibra-