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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/118

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a réuni tous les partis. — Mais pourquoi, repris-je, votre Assemblée affecte-t-elle de parler, dans tous ses décrets, de l’enlèvement du roi, tandis que le roi écrit lui-même qu’il s’échappe volontairement ? Quelle bassesse à une assemblée, ou quelle trahison, de parler ainsi quand elle a autour d’elle trois millions de baïonnettes ! — Le mot enlèvement est un vice de rédaction que l’Assemblée corrigera, » répondit La Fayette. Puis il ajouta : « C’est une chose bien infâme que cette conduite du roi ! » La Fayette répéta ce mot plusieurs fois en me serrant la main très-affectueusement. Je quittai cet homme en me disant que, peut-être, l’horizon immense que la fuite du roi ouvrait à son ambition le ramènerait au parti populaire. J’arrivai aux Jacobins en m’efforçant de croire à ses démonstrations de patriotisme et d’amitié, et de me remplir de persuasion qui, malgré mes efforts, s’écoulait de mon esprit par mille ressouvenirs comme par mille issues. »

Lorsque Camille Desmoulins entra aux Jacobins, Robespierre était à la tribune. L’immense crédit que sa persévérance et son incorruptibilité avaient conquis à ce jeune orateur sur le peuple pressait son auditoire nocturne autour de lui. « Ce n’est pas moi, disait-il, qui appellerai cet événement un désastre. Ce jour est le plus beau de la Révolution, si vous savez le saisir et en profiter. Le roi a choisi pour déserter son poste le moment de tous nos périls au dedans et au dehors : l’Assemblée est décréditée ; les élections prochaines agitent les esprits ; les émigrés sont à Coblentz ; l’empereur et le roi de Suède sont à Bruxelles ; nos moissons sont mûres pour nourrir leurs armées ; mais trois millions d’hommes sont debout en France, et cette ligue de l’Europe serait aisément vaincue. Je n’ai pas peur de Léo-