Aller au contenu

Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/133

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


XXVI

Cependant les voitures du roi rétrogradaient vers Châlons au pas de course des gardes nationales qui se relayaient pour l’escorter. La population entière se pressait sur les bords des routes pour voir ce roi captif, ramené en triomphe par le peuple qui s’était cru trahi. Les baïonnettes et les piques des gardes nationaux pouvaient à peine leur frayer passage à travers cette foule qui grossissait et se renouvelait sans cesse. Les cris et les gestes de fureur, les risées et les outrages, ne se lassaient pas. Les voitures avançaient à travers une haie d’opprobres. La clameur du peuple finissait et recommençait à chaque tour de roue. C’était un calvaire de soixante lieues dont chaque pas était un supplice. Un seul homme, M. de Dampierre, vieux gentilhomme accoutumé au culte de ses rois, ayant voulu s’approcher pour donner un signe de respectueuse compassion à ses maîtres, fut massacré sous les roues de la voiture. La famille royale faillit passer sur ce corps sanglant. La fidélité était le seul crime irrémissible au milieu d’une tourbe de forcenés. Le roi et la reine, qui avaient fait le sacrifice de leur vie, avaient rappelé à eux pour mourir toute leur dignité et tout leur courage. Le courage passif était la vertu de Louis XVI, comme si le ciel, qui le destinait au martyre, lui eût donné d’avance cette héroïque acceptation qui ne sait pas combattre, mais qui sait mourir. La reine trou-