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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/136

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été jusque-là qu’éloquent, il montra qu’il était sensible. Pétion, au contraire, resta froid comme un sectaire et rude comme un parvenu ; il affecta avec la famille royale une brusque familiarité ; il mangea devant la reine et jeta les écorces de fruits par la portière, au risque d’en souiller le visage même du roi ; quand Madame Élisabeth lui versait du vin, il relevait son verre, sans la remercier, pour lui montrer qu’il en avait assez. Louis XVI lui ayant demandé s’il était pour le système des deux chambres ou pour la république : « Je serais pour la république, répondit Pétion, si je croyais mon pays assez mûr pour cette forme de gouvernement. » Le roi, offensé, ne répondit pas, et ne proféra plus une seule parole jusqu’à Paris.

Les commissaires avaient écrit de Dormans à l’Assemblée pour lui faire connaître l’itinéraire du roi et la prévenir du jour et du moment de leur arrivée. Les approches de Paris offraient les plus grands dangers par la masse et la fureur du peuple que le cortége avait à traverser. L’Assemblée redoubla d’énergie et de prudence pour assurer l’inviolabilité de la personne du roi. Le peuple lui-même recouvra le sentiment de sa dignité ; devant cette grande satisfaction que la fortune lui livrait, il ne voulut pas déshonorer son propre triomphe. Des milliers de placards étaient affichés partout : Celui qui applaudira le roi sera bâtonné, celui qui l’insultera sera pendu. Le roi avait couché à Meaux. Les commissaires demandaient à l’Assemblée de se tenir en permanence, pour parer aux événements imprévus de l’entrée du cortége dans Paris. L’Assemblée ne désempara pas. Le héros du jour, le véritable auteur de l’arrestation, Drouet, fils du maître de poste de Sainte-Menehould, parut devant elle et fut entendu : « Je