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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/168

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velle répondait une insurrection de nouveaux journaux. Les principaux organes de l’agitation publique étaient alors les Révolutions de Paris, rédigées par Loustalot, journal hebdomadaire tiré à deux cent mille exemplaires. Son esprit se lisait dans son épigraphe : « Les grands ne nous paraissent grands que parce que nous sommes à genoux ; levons-nous ! » Les Discours de la lanterne aux Parisiens, transformés plus tard dans les Révolutions de France et de Brabant, étaient l’œuvre de Camille Desmoulins. Ce jeune étudiant, qui s’était improvisé publiciste, sur une chaise du jardin du Palais-Royal, aux premiers mouvements populaires du mois de juillet 1789, avait conservé dans son style, souvent admirable, quelque chose de son premier rôle. C’était le génie sarcastique de Voltaire descendu du salon sur les tréteaux. Nul ne personnifiait mieux en lui la foule que Camille Desmoulins. C’était la foule avec ses mouvements inattendus et tumultueux, sa mobilité, son inconséquence, ses fureurs interrompues par le rire ou soudainement changées en attendrissement et en pitié pour les victimes mêmes qu’elle immolait. Un homme à la fois si ardent et si léger, si trivial et si inspiré, si indécis entre le sang et les larmes, si prêt à lapider ce qu’il venait de déifier dans son enthousiasme, devait avoir sur un peuple en révolution d’autant plus d’empire qu’il lui ressemblait davantage. Son rôle, c’était sa nature. Il n’était pas seulement le signe du peuple, il était le peuple lui-même. Son journal, colporté le soir dans les lieux publics et crié avec des sarcasmes dans les rues, n’a pas été balayé avec ces immondices du jour. Il est resté et il restera comme une Satire Ménippée trempée de sang. C’est le refrain populaire qui menait le peuple aux plus grands mouvements, et