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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/191

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pour laisser la place libre à des hommes nouveaux et plus trempés encore dans l’esprit du temps. Les Jacobins modérés et constitutionnels regardaient cette abdication comme aussi funeste à la monarchie que mortelle à leur ambition. Ils voulaient saisir eux-mêmes la direction du pouvoir qu’ils venaient de fonder. Ils se croyaient seuls capables de modérer le mouvement qu’ils avaient imprimé. Ils voulaient régner au nom des lois qu’ils avaient faites.

Robespierre, au contraire, qui sentait sa faiblesse dans une assemblée composée des mêmes éléments, voulut que ces éléments fussent exclus de l’assemblée nouvelle. La loi qu’il faisait à ses collègues, il la subissait lui-même. Mais, dominant presque sans rival aux Jacobins, il avait en eux son assemblée à lui. Son instinct ou son calcul lui disait que les Jacobins prendraient l’empire sur une assemblée nouvelle, incertaine, composée d’hommes dont les noms seraient inconnus à la nation. Homme de faction, il lui suffisait que les factions régnassent. L’instrument qu’il s’était créé dans les Jacobins et son immense popularité lui donnaient la certitude de régner lui-même sur les factions.

Cette question, au moment des événements du Champ de Mars, agitait et tendait déjà à dissoudre les Jacobins. Le club rival des Feuillants, composé en majorité de constitutionnels et de membres de l’Assemblée nationale, avait une attitude plus légale et plus monarchique. L’irritation contre les excès populaires et la haine contre Robespierre et Brissot poussaient les anciens fondateurs du club des Jacobins à se rallier aux Feuillants. Les Jacobins tremblaient de voir l’empire des factions leur échapper et s’affaiblir en se divisant. « C’est la cour, disait Camille Desmoulins, l’ami