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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/222

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les dons que Dieu avait faits à son génie ; il y travailla même avec le mensonge, la ruse, le dénigrement, le cynisme et l’immoralité d’esprit ; il y employa toutes les armes, même celles que le respect de Dieu et des hommes interdit aux sages : il mit sa vertu, son honneur, sa gloire à ce renversement. Son apostolat de la raison eut les formes d’une profanation de la piété. Au lieu d’éclairer le temple, il le ravagea.

Du jour où il eut résolu cette guerre contre le christianisme, il chercha des alliés contre lui. Sa liaison avec le roi de Prusse, Frédéric II, n’eut pas d’autre cause. Il lui fallait des trônes pour s’appuyer contre le sacerdoce. Frédéric, qui partageait sa philosophie, et qui la poussait plus loin, jusqu’à l’athéisme et jusqu’au mépris des hommes, fut le Denys de ce moderne Platon. Louis XV, qui avait intérêt à se tenir dans des rapports de bienveillance avec la Prusse, n’osa pas sévir contre un homme que ce roi avouait pour ami. Voltaire redoubla d’audace à l’abri de ce sceptre. Il mit les trônes à part, et sembla les intéresser à son entreprise en affectant de les émanciper de la domination de Rome. Il consentit à livrer aux rois la liberté civile des peuples, pourvu qu’ils l’aidassent à conquérir la liberté des consciences. Il affecta même, et il eut peut-être, le culte de la puissance absolue des rois. Il poussa le respect envers eux jusqu’à l’adoration de leurs faiblesses. Il avait excusé les vices du grand Frédéric ; il agenouilla la philosophie devant les maîtresses de Louis XV. Semblable à la courtisane de Thèbes qui bâtit une des pyramides d’Égypte du fruit de ses débauches, Voltaire ne rougit d’aucune prostitution de son génie, pourvu que le salaire de ses complaisances lui servît à acheter des ennemis au Christ. Il en