Aller au contenu

Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/265

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

militaire rêvait une expédition triomphante aux bords de la Seine : c’était là qu’il voulait conquérir la gloire. Il avait vu Paris dans sa jeunesse. Sous le nom de comte de Haga, il y avait reçu l’hospitalité de Versailles. Marie-Antoinette, alors dans l’éclat de sa jeunesse et de sa beauté, lui apparaissait maintenant humiliée et captive, entre les mains d’un peuple impitoyable. Délivrer cette femme, relever ce trône, se faire à la fois craindre et bénir de cette capitale, lui semblait une de ces aventures que cherchaient jadis les chevaliers couronnés. Ses finances seules s’opposaient encore à l’exécution de ce hardi dessein. Il négociait un emprunt de la cour d’Espagne, il attirait à lui les Français émigrés renommés pour leurs talents militaires, il demandait des plans au marquis de Bouillé, il sollicitait les cours de Vienne, de Saint-Pétersbourg et de Berlin, de s’unir à lui pour cette croisade de rois. Il ne demandait à l’Angleterre que la neutralité. La Russie l’encourageait. Catherine elle-même se sentait humiliée de l’humiliation de la royauté en France. La Russie négociait, l’Autriche temporisait, l’Espagne tremblait, l’Angleterre observait. Chaque nouvelle secousse de la révolution à Paris trouvait l’Europe indécise, toujours en arrière de conseils et de résolutions ; et l’Europe monarchique, hésitante et divisée, ne savait ni ce qu’elle devait craindre ni ce qu’elle pouvait oser.

Telle était, quant à la politique, la situation des cabinets à l’égard de la France. Mais, quant aux idées, les dispositions des peuples étaient différentes.

Au mouvement de l’intelligence et de la philosophie à Paris répondait le mouvement de contre-coup du reste de l’Europe, et surtout de l’Amérique. L’Espagne, sous