Aller au contenu

Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/275

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

républicain, Klopstock, le poëte sacré, enivraient de leurs strophes les universités et les théâtres ; chaque secousse des événements de Paris avait son contre-coup et son écho sonore, multiplié par ces écrivains sur toutes les rives du Rhin. La poésie est le souvenir et le pressentiment des choses ; ce qu’elle célèbre n’est pas encore mort, ce qu’elle chante existe déjà. La poésie chantait partout alors les espérances confuses mais passionnées des peuples. C’était un augure certain. L’enthousiasme était là, puisque sa voix s’y faisait entendre. La science, la poésie, l’histoire, la philosophie, le théâtre, le mysticisme, les arts, le génie européen sous toutes les formes avait passé du côté de la Révolution. On ne pouvait pas citer un homme de gloire dans l’Europe entière qui restât au parti du passé. Le passé était vaincu, puisque l’esprit humain s’en retirait. Où va l’esprit, là va la vie. Les médiocrités restaient seules sous l’abri des vieilles institutions. Il y avait un mirage général à l’horizon de l’avenir, et soit que les petits y vissent leur salut, soit que les grands y vissent un abîme, tout se précipitait aux nouveautés.

XII

Telle était la disposition des esprits en Europe quand les princes frères de Louis XVI et les gentilshommes émigrés se répandirent en Savoie, en Suisse, en Italie et en Allemagne, pour aller demander secours et vengeance aux