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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/285

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times, arriva au château de Pilnitz, résidence d’été de la cour de Saxe. L’empereur l’y avait précédé.

L’archiduc François, depuis empereur François II, le feld-maréchal Lacy, le baron de Spielman et une cour nombreuse entouraient l’empereur. Les deux souverains rivaux en Allemagne semblèrent oublier un moment leur rivalité pour ne s’occuper que du salut de tous les trônes. Cette fraternité de la grande famille des monarques prévalut sur tout autre sentiment. Ils traitèrent en frères plus qu’en souverains. L’électeur de Saxe, leur hôte, consacra cette conférence par des fêtes splendides.

Au milieu d’un banquet, on annonça l’arrivée inattendue du comte d’Artois à Dresde. Le roi de Prusse sollicita de l’empereur pour le prince français la permission de paraître. L’empereur l’accorda ; mais, avant d’admettre le comte d’Artois aux conférences officielles, les deux monarques eurent un entretien secret. Deux de leurs plus intimes confidents y assistèrent seuls. L’empereur penchait pour la paix ; l’inertie du corps germanique pesait sur ses résolutions ; il sentait la difficulté d’imprimer à cette fédération vassale de l’empire l’unité et l’énergie nécessaires pour attaquer la France dans la primeur de sa révolution. Les généraux, le maréchal de Lacy lui-même, hésitaient devant des frontières réputées inexpugnables. L’empereur craignait pour les Pays-Bas et pour l’Italie. Les maximes françaises avaient passé le Rhin, et pouvaient faire explosion dans les États allemands au moment où on demanderait aux princes et aux peuples de se lever contre la France. La diète des peuples pouvait l’emporter sur la diète des souverains. Des mesures mixtes et dilatoires auraient le même effet d’intimidation sur le génie révolutionnaire,