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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/331

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-révolution. « Voilà, s’écria Isnard, où vous conduisent la tolérance et l’impunité qu’on vous prêche ! »

Isnard, député de la Provence, était le fils d’un parfumeur de Grasse. Son père l’avait élevé pour les lettres et non pour le commerce : il avait fait dans l’antiquité grecque et romaine l’étude de la politique. Il avait dans l’âme l’idéal d’un Gracque, il en avait le courage dans le cœur et l’accent dans la voix ; très-jeune encore, son éloquence avait les bouillonnements de son sang ; sa parole n’était que le feu de sa passion, coloré par une imagination du Midi ; son langage se précipitait comme les pulsations rapides de l’impatience. C’était l’élan révolutionnaire personnifié. L’Assemblée le suivait haletante, et arrivait avec lui à la fureur avant d’arriver à la conviction. Ses discours étaient des odes magnifiques qui élevaient la discussion jusqu’au lyrisme et l’enthousiasme jusqu’à la convulsion ; ses gestes tenaient du trépied plus que de la tribune : il était le Danton de la Gironde, dont Vergniaud devait être le Mirabeau.


IX

C’était la première fois qu’il se levait dans l’Assemblée : « Oui, dit-il, voilà où vous conduit l’impunité ; elle est toujours la source des grands crimes, et aujourd’hui elle est la seule cause de la désorganisation sociale où nous sommes plongés. Les systèmes de tolérance qu’on vous a proposés seraient bons pour des temps de calme ; mais doit--