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XIV

L’Assemblée nationale, dit-on, n’en avait pas le droit : elle avait juré la monarchie et reconnu Louis XVI ; elle ne pouvait le détrôner sans crime ! L’objection est puérile, si elle vient d’esprits qui ne croient pas à la possession des peuples par les dynasties. L’Assemblée constituante, dès son début, avait proclamé le droit inaliénable des peuples et la légitimité des insurrections nécessaires. Le serment du Jeu de paume ne consistait qu’à jurer désobéissance au roi et fidélité à la nation. L’Assemblée avait ensuite proclamé Louis XVI roi des Français. Si elle se reconnaissait le pouvoir de le proclamer roi, elle se reconnaissait par là même le droit de le proclamer simple citoyen. La déchéance pour cause d’utilité nationale et d’utilité du genre humain était évidemment dans ses principes. Que fait-elle cependant ? Elle laisse Louis XVI roi ou elle le refait roi ; non par respect pour l’institution, mais par pitié pour sa personne et par attendrissement pour une auguste décadence. Voilà le vrai. Elle craignait le sacrilége, et elle se précipite dans l’anarchie. C’était clément, beau, généreux ; Louis XVI méritait bien du peuple. Qui peut flétrir une magnanime condescendance ? Avant le départ du roi pour Varennes, le droit absolu de la nation ne fut qu’une fiction abstraite, un summum jus de l’Assemblée. La royauté de Louis XVI resta le fait respectable et respecté. Encore une fois, c’était bien.