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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/398

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choses ; il en fallait une au principe de la Révolution. On peut dire que la philosophie trouva cette femme dans madame Roland.

L’historien, entraîné par le mouvement des événements qu’il retrace, doit s’arrêter devant cette sévère et touchante figure, comme les passants s’arrêtent pour remarquer ses traits sublimes et sa robe blanche sur le tombereau qui conduisait des milliers de victimes à la mort. Pour la comprendre, il faut la suivre de l’atelier de son père jusqu’à l’échafaud. C’est pour la femme surtout que le germe de la vertu est dans le cœur ; c’est presque toujours dans la vie privée que repose le secret de la vie publique.


II

Jeune encore, belle, rayonnante de génie, mariée depuis quelques années à un homme austère dont l’âge dépassait la maturité, mère d’un premier enfant, madame Roland était née dans cette condition intermédiaire où les familles, à peine émancipées par le travail, sont pour ainsi dire amphibies entre le prolétariat et la bourgeoisie, et retiennent dans leurs mœurs les vertus et la simplicité du peuple, en participant déjà aux lumières de la société. À l’époque où les aristocraties tombent, c’est là que les nations se régénèrent. La séve des peuples est là. C’est là qu’était né Jean-Jacques Rousseau, le type viril de madame Roland. Un portrait de son enfance représente la jeune fille dans l’atelier de son