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de l’homme comme le statuaire imprime à l’argile les formes palpables de sa conception. Le premier aspect la détrompa sans la décourager de son culte pour Brissot. Il manquait de cette dignité d’attitude et de cette gravité de caractère qui semblent comme un reflet de la dignité de la vie et de la gravité des doctrines. Quelque chose dans l’homme politique rappelait le pamphlétaire. Sa légèreté la choquait, sa gaieté même lui semblait une profanation des idées austères dont il était l’organe. La Révolution qui passionnait son style n’allait pas jusqu’à passionner son visage. Elle ne lui trouvait pas assez de haine contre les ennemis du peuple. L’âme mobile de Brissot ne paraissait pas avoir assez de consistance pour un sentiment de dévouement. Son activité, répandue sur tous les sujets, lui donnait l’apparence d’un artiste en idées plutôt que d’un apôtre. On l’appelait un intrigant.

Brissot amena Pétion, son condisciple et son ami, déjà membre de l’Assemblée constituante, et dont la parole, dans deux ou trois circonstances, avait été remarquée. Brissot passait pour l’inspirateur de ses discours. Buzot et Robespierre, tous deux membres de la même Assemblée, y furent introduits. Buzot, dont la beauté pensive, l’intrépidité et l’éloquence, devaient plus tard agiter le cœur et attendrir l’admiration de madame Roland ; Robespierre, que l’inquiétude de son âme et le fanatisme de ses haines jetaient dès lors comme un ferment d’agitation dans tous les conciliabules où l’on conspirait au nom du peuple. Quelques autres encore, dont les noms viendront à leur heure dans les fastes de ce parti naissant. Brissot, Pétion, Buzot, Robespierre, convinrent de se réunir quatre fois par semaine, le soir, dans le salon de cette femme.