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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/44

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de barreau. Envoyé à trente ans aux états généraux avec Mounier, son patron et son maître, il avait promptement abandonné Mounier et le parti monarchique pour se signaler dans le parti démocratique. Un mot sinistre échappé, non de son cœur, mais de ses lèvres, pesait comme un remords sur sa conscience. « Le sang qui coule est-il donc si pur ? » s’était-il écrié au premier meurtre de la Révolution. Ce mot l’avait marqué au front du signe des factieux. Barnave n’était pas factieux, ou il ne l’était qu’autant qu’il le fallait pour le succès de ses discours. Il n’y avait d’extrême en lui que l’orateur, l’homme ne l’était pas ; il était encore moins cruel. Studieux, mais sans idée ; disert, mais sans chaleur, c’était une intelligence moyenne, une âme honnête, une volonté flottante, un cœur droit. Son talent, qu’on affectait de comparer à celui de Mirabeau, n’était que l’art d’enchaîner avec habileté des considérations vulgaires. L’habitude du tribunal lui donnait, dans l’improvisation, une supériorité apparente, qui s’évanouissait à la réflexion. Les ennemis de Mirabeau lui avaient fait un piédestal de leur haine et l’avaient grandi pour le comparer. Quand il fut réduit à sa véritable taille, on reconnut toute la distance qu’il y avait entre l’homme de la nation et l’homme du barreau. Barnave eut le malheur d’être le grand homme d’un parti médiocre, et le héros d’un parti envieux ; il méritait un meilleur sort, et plus tard il le conquit.