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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/46

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Maximilien Robespierre était né à Arras d’une famille pauvre, honnête et respectée ; son père, mort en Allemagne, était d’origine anglaise. Cela explique ce qu’il y avait de rigide dans cette nature. L’évêque d’Arras avait fait les frais de son éducation. Le jeune Robespierre s’était distingué, au collége Louis-le-Grand, par une vie studieuse et par des mœurs austères.

Les lettres et le barreau partageaient son temps. La philosophie de Jean-Jacques Rousseau avait pénétré profondément son intelligence ; cette philosophie, en tombant dans une volonté active, n’était pas restée une lettre morte : elle était devenue en lui un dogme, une foi, un fanatisme. Dans l’âme d’un sectaire toute conviction devient secte. Robespierre était le Calvin de la politique ; il couvait dans l’obscurité la pensée confuse de la rénovation du monde social et du monde religieux, comme un rêve qui obsédait inutilement sa jeunesse, quand la Révolution vint lui offrir ce que la destinée offre toujours à ceux qui épient sa marche, l’occasion. Il la saisit. Il fut nommé député du tiers aux états généraux. Seul peut-être de tous ces hommes qui ouvraient à Versailles la première scène de ce drame immense, il entrevoyait le dénoûment. Comme l’âme humaine, dont les philosophes ignorent le siége dans le corps humain, la pensée de tout un peuple repose quelquefois dans l’individu le plus ignoré d’une vaste foule. Il ne faut mépriser personne, car le doigt de la destinée marque dans l’âme, et non sur le front. Robespierre n’avait rien, ni dans la naissance, ni dans le génie, ni dans l’extérieur, qui le désignât à l’attention des hommes. Aucun éclat n’était sorti de lui, son pâle talent n’avait rayonné que dans le barreau ou dans les académies de province ; quel-