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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/469

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Il y avait à Avignon un corps de volontaires appelé l’armée de Vaucluse, formé de la lie de ces contrées et commandé par un nommé Patrix. Ce Patrix ayant été assassiné par sa troupe, dont il voulait modérer les excès, Jourdan fut porté au commandement par droit de sédition et de scélératesse. Les soldats, à qui on reprochait leurs brigandages et leurs meurtres, semblables aux gueux de Belgique et aux sans-culottes de Paris, affichèrent l’insulte comme une gloire, et s’intitulèrent eux-mêmes les braves brigands d’Avignon. Jourdan, à la tête de cette bande, ravagea, incendia le Comtat, assiégea Carpentras, fut repoussé, perdit cinq cents hommes, et se replia sur Avignon tout frémissant encore du meurtre de Lescuyer. Il vint prêter son bras et sa troupe à la vengeance du parti français. Dans la journée du 30 août, Jourdan et ses sicaires fermèrent les portes de la ville, se répandirent dans les rues, cernèrent les maisons signalées comme contenant des ennemis de la Révolution, en arrachèrent les habitants, hommes, femmes, vieillards, enfants, sans distinction d’âge, de sexe ou d’innocence. Ils les enfermèrent dans le palais. La nuit venue, les assassins enfoncent les portes et immolent à coups de barre de fer ces victimes désarmées et suppliantes. Leurs cris appellent en vain les secours de la garde nationale. La ville entend ce massacre sans oser donner signe d’humanité. Le bruit du crime glace et paralyse tous les citoyens. Les assassins préludent à la mort des femmes par des dérisions et des souillures qui ajoutent la honte à l’horreur, et le supplice de la pudeur au supplice de l’assassinat. Le rire et les larmes, le vin et le sang, la luxure et la mort se mêlent. Quand il n’y a plus personne à tuer, on mutile encore les