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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/61

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égoïsmes, tous ces vices : Mirabeau était vénal, Barnave était jaloux, Robespierre fanatique, le club des Jacobins cruel, la garde nationale égoïste, La Fayette flottant, le gouvernement nul. Personne ne voulait la Révolution que pour soi et à sa mesure ; elle aurait dû échouer cent fois sur tous ces écueils, s’il n’y avait dans les crises humaines quelque chose de plus fort que les hommes qui paraissent les diriger : la volonté de l’événement lui-même.

La Révolution tout entière n’était comprise alors par personne, excepté, peut-être, par Robespierre et par les démocrates purs. Le roi n’y voyait qu’une grande réforme, le duc d’Orléans qu’une grande faction, Mirabeau que le côté politique, La Fayette que le côté constitutionnel, les Jacobins qu’une vengeance, le peuple que l’abaissement des grands, la nation que son patriotisme. Nul n’osait voir encore le but final.

Tout était donc aveugle alors, excepté la Révolution elle-même. La vertu de la Révolution était dans l’idée qui forçait ces hommes à l’accomplir, et non dans ceux qui l’accomplissaient ; tous ses instruments étaient viciés, corrompus ou personnels ; mais l’idée était pure, incorruptible et divine. Les vices, les colères, les égoïsmes des hommes, devaient produire inévitablement dans la crise ces chocs, ces violences, ces perversités et ces crimes, qui sont aux passions humaines ce que les conséquences sont aux principes.

Si chacun des partis ou des hommes mêlés dès le premier jour à ces grands événements eût pris leur vertu au lieu de leur passion pour règle de leurs actes, tous ces désastres, qui les écrasèrent, eussent été sauvés à eux et à leur patrie. Si le roi eût été ferme et intelligent, si le clergé