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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/93

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foules séditieuses des Tuileries ou sur les forêts de baïonnettes du peuple armé sous leurs fenêtres, tout leur soulageait le cœur, tout leur faisait croire que la Providence se déclarait enfin pour eux, et que les prières si ferventes et si pures de ces enfants pressés sur leurs genoux, et de cet ange visible qui les accompagnait sous les traits de Madame Élisabeth, avaient vaincu le malheur obstiné de leur sort.

Ils entrèrent à Châlons sous ces heureux auspices. C’était la seule grande ville qu’ils eussent à traverser. Il était trois heures et demie de l’aprés-midi. Quelques oisifs se groupaient autour des voitures pendant qu’on changeait les chevaux. Le roi se montra un peu imprudemment à la portière ; il fut reconnu du maître de poste. Mais ce brave homme sentit qu’il avait la vie de son souverain dans un regard ou dans un geste d’étonnement ; il refoula son émotion dans son âme ; il détourna l’attention de la foule, aida lui-même à atteler les chevaux à la voiture, et pressa les postillons de partir. Le sang de son roi ne tacha pas cet homme, parmi tout ce peuple.

La voiture roula hors des portes de Châlons. Le roi, la reine, Madame Élisabeth, dirent à la fois : « Nous sommes sauvés ! » En effet, après Châlons, le salut du roi n’appartenait plus au hasard, mais à la prudence et à la force. Le premier relais était à Pont-Sommevesle. On a vu plus haut qu’en vertu des dispositions de M. de Bouillé, M. de Choiseul et M. de Goguelat, à la tête d’un détachement de quarante hussards, devaient s’y trouver pour protéger le roi, au besoin, et se replier derrière lui ; ils devaient, en outre, aussitôt qu’ils apercevraient les voitures, envoyer un hussard avertir le poste de Sainte-Menehould, et de là celui de Clermont, du prochain passage de la famille royale. Le