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Page:Lamartine - Le tailleur de pierres de Saint-Point, ed Lecou, Furne, Pagnerre, 1851.djvu/130

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tagne ; et quand ma mère la conduisait, deux ou trois fois par an, aux jours de fête, voir ses cousines les filles du coquetier dans le village, toutes les filles et tous les garçons qui la voyaient passer se disaient : C’est pourtant dommage que ça pousse à l’ombre et que ça ne voie jamais le soleil comme les yeux bleus (les pervenches) sous les buissons. — Mais elle ; elle n’entendait pas seulement ces compliments qu’on faisait tout bas elle n’avait pas de vanité comme les jeunes filles des maisons riches elle ne savait pas même si elle était laide ou jolie. Elle marchait la tête baissée et les bras pendants, les yeux sur les pas de ma mère, et, quand quelqu’un lui adressait un mot, elle rougissait sans savoir de quoi comme une cerise et sa peau frissonnait comme une eau dormante quand un vent vient à courir dessus. Excepté pour notre mère et pour Gratien, qu’elle ne craignait pas, elle était aussi sauvage et aussi craintive que les petits des chevreuils quand ils jouent au bord de nos trèfles le matin et qu’ils rentrent dans le bois au bruit de la rosée qui tombe des feuilles. Même avec moi, monsieur, elle n’était pas si à son aise qu’avec eux, parce qu’elle ne me voyait pas tous les jours comme