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Page:Lamartine - Méditations poétiques (édition de 1820).djvu/119

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Tout lui parloit de toi, tu lui parlois toi-même ;
L’univers respiroit ta majesté suprême ;
La nature, sortant des mains du Créateur,
Étaloit en tous sens le nom de son auteur ;
Ce nom, caché depuis sous la rouille des âges,
En traits plus éclatants brilloit sur tes Ouvrages ;
L’homme dans le passé ne remontoit qu’à toi ;
Il invoquoit son père, et tu disois : C’est moi.
Longtemps comme un enfant ta voix daigna l’instruire,
Et par la main longtemps tu voulus le conduire.
Que de fois dans ta gloire à lui tu t’es montré,
Aux vallons de Sennar, aux chênes de Membré,
Dans le buisson d’Horeb, ou sur l’auguste cime
Où Moïse aux Hébreux dictoit sa loi sublime !
Ces enfants de Jacob, premiers-nés des humains,
Reçurent quarante ans la manne de tes mains
Tu frappois leur esprit par tes vivants oracles !
Tu parlois à leurs yeux par la voix des miracles !
Et lorsqu’ils t’oublioient, tes anges descendus
Rappelaient ta mémoire à leurs cœurs éperdus !
Mais enfin, comme un fleuve éloigné de sa source,
Ce souvenir si pur s’altéra dans sa course !
De cet astre vieilli la sombre nuit des temps
Eclipsa par degrés les rayons éclatants ;
Tu cessas de parler ; l’oubli, la main des âges,
Usèrent ce grand nom empreint dans tes ouvrages ;
Les siècles en passant firent pâlir la foi ;
L’homme plaça le doute entre le monde et toi.