Page:Lamartine - Méditations poétiques (édition de 1820).djvu/26

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Trouvant sa volupté dans les cris de sa proie,
Bercé par la tempête, il s'endort dans sa joie.


Et toi, Byron, semblable à ce brigand des airs,
Les cris du désespoir sont tes plus doux concerts.
Le mal est ton spectacle, et l'homme est ta victime.
Ton oeil, comme Satan, a mesuré l'abîme,
Et ton ame, y plongeant loin du jour et de Dieu,
A dit à l'espérance un éternel adieu !
Comme lui, maintenant, régnant dans les ténèbres,
Ton génie invincible éclate en chants funèbres;
Il triomphe, et ta voix, sur un mode infernal,
Chante l'hymne de gloire au sombre dieu du mal.
Mais que sert de lutter contre sa destinée ?
Que peut contre le sort la raison mutinée ?
Elle n'a comme l’œil qu'un étroit horizon.
Ne porte pas plus loin tes yeux ni ta raison :
Hors de là tout nous fuit, tout s'éteint, tout s'efface;
Dans ce cercle borné Dieu t'a marqué ta place.
Comment ? pourquoi ? qui sait ? De ses puissantes mains
Il a laissé tomber le monde et les humains,
Comme il a dans nos champs répandu la poussière,
Ou semé dans les airs la nuit et la lumière;
Il le sait, il suffit : l'univers est à lui,
Et nous n'avons à nous que le jour d'aujourd'hui !


Notre crime est d'être homme et de vouloir connaître :
Ignorer et servir, c'est la loi de notre être.
Byron, ce mot est dur : longtemps j'en ai douté;
Mais pourquoi reculer devant la vérité ?