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Page:Lamartine - Méditations poétiques (édition de 1820).djvu/30

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J’ai cru que la nature en ces rares spectacles
Laissait tomber pour nous quelqu’un de ses oracles ;
J’aimais à m’enfoncer dans ces sombres horreurs.
Mais en vain dans son calme, en vain dans ses fureurs,
Cherchant ce grand secret sans pouvoir le surprendre,
J’ai vu par-tout un Dieu sans jamais le comprendre !
J’ai vu le bien, le mal, sans choix et sans dessein,
Tomber comme au hasard, échappés de son sein ;
J’ai vu par-tout le mal où le mieux pouvoit être,
Et je l’ai blasphémé, ne pouvant le connoître ;
Et ma voix, se brisant contre ce ciel d’airain,
N’a pas même eu l’honneur d’arrêter le destin.
Mais, un jour que, plongé dans ma propre infortune,
J’avais lassé le ciel d’une plainte importune,
Une clarté d’en haut dans mon sein descendit,
Me tenta de bénir ce que j’avais maudit,
Et, cédant sans combattre au souffle qui m’inspire,
L’hymne de la raison s’élança de ma lyre.


— « Gloire à toi, dans les temps et dans l’éternité !
Éternelle raison, suprême volonté !
Toi, dont l’immensité reconnaît la présence !
Toi, dont chaque matin annonce l’existence !
Ton souffle créateur s’est abaissé sur moi ;
Celui qui n’était pas a paru devant toi !
J’ai reconnu ta voix avant de me connaître,
Je me suis élancé jusqu’aux portes de l’être :
Me voici ! le néant te salue en naissant ;
Me voici ! mais que suis-je ? un atome pensant !