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Page:Lamartine - Méditations poétiques (édition de 1820).djvu/46

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La source de mes jours comme eux s’est écoulée,
Elle a passé sans bruit, sans nom, et sans retour ;
Mais leur onde est limpide, et mon ame troublée
N’aura pas réfléchi les clartés d’un beau jour.

La fraîcheur de leurs lits, l’ombre qui les couronne
M’enchaînent tout le jour sur les bords des ruisseaux ;
Comme un enfant bercé par un chant monotone,
Mon ame s’assoupit au murmure des eaux.

Ah ! c’est là qu’entouré d’un rempart de verdure,
D’un horizon borné qui suffit à mes yeux,
J’aime à fixer mes pas, et, seul dans la nature,
A n’entendre que l’onde, à ne voir que les cieux.

J’ai trop vu, trop senti, trop aimé dans ma vie,
Je viens chercher vivant le calme du Léthé ;
Beaux lieux, soyez pour moi ces bords où l’on oublie :
L’oubli seul désormais est ma félicité.

Mon cœur est en repos, mon ame est en silence !
Le bruit lointain du monde expire en arrivant,
Comme un son éloigné qu’affoiblit la distance,
A l’oreille incertaine apporté par le vent.