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Page:Lamartine - Méditations poétiques (édition de 1820).djvu/52

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Montez donc vers le ciel, montez, encens qu’il aime,
Soupirs, gémissements, larmes, sanglots, blasphème,
Plaisirs, concerts divins !
Cris du sang, voix des morts, plaintes inextinguibles,
Montez, allez frapper les voûtes insensibles
Du palais des destins !


Terre, élève ta voix ; cieux, répondez ; abîmes,
Noirs séjours où la mort entasse ses victimes,
Ne formez qu’un soupir.
Qu’une plainte éternelle accuse la nature,
Et que la douleur donne à toute créature
Une voix pour gémir.


Du jour où la nature, au néant arrachée,
S’échappa de tes mains comme une œuvre ébauchée,
Qu’as-tu vu cependant ?
Aux désordres du mal la matière asservie,
Toute chair gémissant, hélas ! et toute vie
Jalouse du néant.


La vertu succombant sous l’audace impunie,
L’imposture en honneur, la vérité bannie ;
L’errante liberté
Aux dieux vivants du monde offerte en sacrifice ;
Et la force, par-tout, fondant de l’injustice
Le règne illimité.