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Page:Lamirault - La Grande encyclopédie, inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts, tome 12.djvu/12

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LA GRANDE ENCYCLOPÉDIE

C

COMÉDIE-FRANÇAISE. On a coutume d’appeler familièrement la Comédie-Française « la maison de Molière », et

elle-même se glorifie fort justement de ce titre. Il n’en est que plus singulier de voir ce théâtre dater son existence de 16X0, c.-à-d. de l’époque ou Louis XIV ordonna la réunion ft la fusion en une seule îles deux grandes troupes de comédiens existant alors a Paris, celle du théâtre Ciiénégaud et celle de l’Hôtel de Bourgogne ; de sorte qui’ ce théâtre, qui se recommande si légitimement de Molière, semble n’être venu à la vie que sept ans après la mort de ce grand homme. Quoi qu’il en soit, la Comédie-Française, telle que nous la voyons constituée depuis plus de deux siècles, a pour ancêtres naturels les trois théâtres presque également célèbres qui la précédèrent, c.-à-d. l’hôtel de Bourgogne, le théâtre du Marais et celui du Palais-Royal, précisément dirigé par Molière. Le plus ancien de ces théâtres, celui qui peut être considéré comme la première scène régulière établie en France, est celui de l’hôtel de Bourgogne, dont les confrères de la Passion fuient les premiei-s héros. On sait que les confrères étaient établis à l’hôtel de Flandres, où ils représentaient leurs mystères et leurs moralités, lorsqu’en 1543 François I" ordonna la vente des hôtels de Bourgogne, de Flandres, d’Artois, d’Ftampes et autres. Ils durent donc émigrer, et sans doute errèrent alors quelque temps dans Paris, donnant leurs spectacles successivement en divers abris provisoires sans parvenir à se fixer nulle part. Enfin, en 1548, ils se déridèrent à acquérir, sur l’emplacement de l’ancien hôtel des ducs de Bourgogne, un terrain de 17 toises de long sur 46 de large, sur lequel ils firent élever un théâtre dont l’existence ne devait guère être moindre de deux siècles et demi. Ce théâtre formait l’angle des rues Française et Mauconseil, et sur sa façade ils firent figurer, comme une sorte de devise personnelle, les divers instruments de la Passion, qu’on y voyait encore, au dire des chroniqueurs, en 1768. Cependant les confrères, qui avaient l’intention, en s’installant à l’hôtel de Bourgogne, d’y continuer leurs représentations des mystères de l’Ancien et du Nouveau Testament, s’en virent faire défense par le parlement, qui, par un arrêt du 17 nov. 1548, leur donna seulement permission de « jouer autres mystères profanes, honnêtes et licites », en même temps qu’il défendait « à tous autres île jouer ou représenter dorénavant aucuns jeux ou mystères, tant en la ville, faubourgs que banlieue de Paris, sinon que sous le nom de ladite confrérie et au profit (ficelle ». Cet arrêt confirmait donc tous les privilèges

CRANDE ENCYCLOPÉDIE, — XII.

antérieurs et exclusifs des confrères, lesquels furent confirmés encore et successivement par lettres patentes de Henri II en 1554, de François H en 1559, de Charles IX en 1563, de Henri III en 1575, enfin de Henri IV en 1597. Toutefois, ils se voyaient, par cet arrêt du parlement, privés de la jouissance du répertoire qu’ils avaient exploité jusqu’alors. Que jouèrent-ils pendant les trente années environ où ils exercèrent en personne leurs talents de comédiens sur le nouveau théâtre de l’hôtel de Bourgogne ?

C’est ce qu’il serait bien difficile de savoir aujourd’hui. 

Toujours est-il qu’ils se fatiguèrent de jouer la comédie eux-mêmes, ef qu’un jour vint (tu ils songèrent à louer ce théâtre à des acteurs de profession. C’est ainsi qu’en 1578 ils passèrent un bail avec une troupe de comédiens qui avaient à leur tète un certain Agnan Sarat, lequel était sans doute un artiste de talent, puisque, au dire de Tallemantdes Réanx, cet Agnan, qui vécut jusqu’aux premières années du xvu 1 ’ siècle, fut le premier comédien qui ait eu de la réputation à Paris.

Forts de leur privilège, les confrères n’entendaient pns que l’on fit concurrence à leur théâtre, et ils s’adressaient au parlement pour faire chasser toute troupe de comédiens qui tentait de s’installer à Paris. C’est ce qui arriva en 1583, pour une troupe italienne dirigée par Battista Lazzaro, l’année suivante pour une troupe française établie un instant à l’hôtel de Cluny, en 1588 pour une autre troupe française et une autre troupe italienne. Mais le parlement les visa bientôt eux-mêmes, et il semble qu’ils avaient repris personnellement possession de leur théâtre, lorsqu’en cette même année 1588 il leur fut fait défense de donner aucune représentation. C’était la Ligue qui les poursuivait de ses rigueurs. En 1595 pourtant ils reprirent, par eux-mêmes, le cours de leurs représentations, en 1598 ils taisaient interdire une troupe qui s’était installée à l’hôtellerie de la Bastille, près de l’église Saint-Paul, en 1599 ils louaient de nouveau leur salle a un nommé Valleran-Lecomte, qui l’abandonnait avant la fin de cette année, et en 1600 ils la cédaient par bail a un nouveau locataire, Robert Guérin, qui n’était autre que le farceur si connu sous le nom de Gros-Guillaume. Ce dernier n’y resta que trois ans. En 1603, l’hôtel de Bourgogne était occupé par la superbe troupe italienne d’Andreini, en 1604 on y voyait celle d’un nommé Thomas Poirier, dit La Vallée, et vers 4007 on y voit revenir Valleran— Lecomte, en compagnie de Mathieu Lelebvre dit Laporte et de la femme de celui-ci, de François Vautrav, d’Etienne Butin, dit Lafon-

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