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Page:Lampryllos - La Mystification fatale, 1883.djvu/87

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traitement, rappelait à ces deux alliés, pour émouvoir leur pitié et sauver le patient de ces derniers outrages. L’un, l’empereur, en fut touché ; mais l’autre, le pape malfaiteur, resta inflexible. Jean XVI ne survécut que peu de temps à ce martyre. En dépit de tout cela Jean

    stère et courut à Rome pour implorer la grâce de son compatriote. Il supplia l’empereur et le pape, leur représentant les égards qu’ils devaient au caractère sacré dont Philagathe avait été revêtu, même illégitimement. Grégoire ne tint compte de ces observations, et, par une sorte de défi au saint, il fit extraire de sa prison le malheureux mutilé, qu’on promena dans les rues de Rome vêtu des ornements pontificaux et monté sur un âne, en l’accablant d’outrages. Nil alors, indigné, menaça l’empereur et le pape des châtiments de la colère divine, suspendus sur leurs têtes, et quitta la ville sans plus vouloir communiquer avec eux. Grégoire V étant mort presque aussitôt après, Othon prit peur et ordonna d’épargner désormais Philagathe.

    L’année suivante l’empereur se rendit en pélerinage au fameux sanctuaire de Saint-Michel sur le mont Gargano. À son retour, il vint à Serperi pour visiter le saint, dont la courageuse attitude lui avait laissé une impression profonde. Il trouva les moines grecs misérablement installés dans de pauvres cabanes. « Ces hommes, dit-il aux gens de sa suite, sont véritablement citoyens du ciel ; ils vivent sous les tentes comme étrangers à la terre. » Le serviteur de Dieu le conduisit d’abord à l’oratoire, où il pria quelque temps, et le fit ensuite entrer dans sa cellule. Othon lui offrit vainement de lui faire bâtir un somptueux monastère, qu’il promettait de doter avec magnificence. Nil refusa. « Si mes frères, dit-il, sont de véritables moines, le Seigneur ne les abandonnera point lorsque je ne serai plus avec eux. » — « Demande-moi ce qu’il te plaira, reprit l’empereur, je te regarde comme mon fils, et je te l’accorderai avec joie. » Nil lui mit alors la main sur la poitrine, et lui dit : « La seule chose que je te demande est de penser au salut de ton âme. Quoique tu sois empereur, tu mourras, et Dieu te demandera un compte plus sévère qu’aux autres hommes. »

    (La Grande Grèce, par François Lenormant, tom. Ier, pag. 359.)