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Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/263

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Ce n’est là, nous avons eu soin de le dire, qu’une vue d’ensemble. Dans une question comme celle qui nous occupe, il est nécessaire d’établir des distinctions, et il convient de les multiplier le plus possible. Ce que faisant, on verra que si dans beaucoup de branches de l’industrie et du commerce la production se concentre, parfois même avec une grande rapidité, dans d’autres branches les petits établissements demeurent aussi nombreux, ou même se multiplient[1].

Il n’y a pas lieu, ce semble, de chercher dans la persistance de ce qu’on appelle l’industrie à domicile une limitation à la concentration de la production. La production de l’ouvrier qui travaille à domicile comme salarié ne constitue aucunement une production indépendante ; cet ouvrier peut appartenir comme tel à une exploitation très grande. Mais on trouvera des preuves que le processus de la concentration ne se vérifie pas pour toutes les branches de la production dans l’étude des métiers. Sombart, qui a procédé à une vaste enquête sur l’état des métiers en Allemagne, a conclu que le métier était en voie de régression, et qu’il cédait la place, de plus en plus, à la grande industrie[2]. Cette affirmation est vraie partiellement. Il y a un grand nombre de métiers qui sont en train de disparaître ; ou s’ils ne disparaissent pas, l’artisan tombe sous la dépendance du grand producteur pour qui il est réduit à travailler : il devient une espèce de tâcheron, dont la condition à tous égards ne s’éloigne pas beaucoup de celle de l’ouvrier à domicile. Mais il y a toute une série d’industries où les petites, et parfois même les toutes petites entreprises résistent victorieusement à la concurrence des grandes, quand on ne les voit pas alimenter seules le marché.

Parmi ces industries où le régime de la petite exploitation se maintient, et paraît devoir se maintenir longtemps encore, soit à côté du régime de la grande exploitation, soit même tout seul, citons notamment :

1o certaines industries où l’art joue un rôle, où l’industriel travaille sur commande, et doit se conformer aux exigences souvent très particulières de ses clients ; ainsi la reliure, l’encadrement, etc. ;

2o plusieurs des industries de l’alimentation, telles la boulangerie, la pâtisserie, la boucherie, la charcuterie ; ce sont des industries qui travaillent pour la consommation journalière, où la partie commerciale a une grande importance, et qui doivent se préoccuper de s’adapter aux goûts de la clientèle ;

3o certains métiers qui fournissent des services personnels, comme celui du coiffeur, ou qui exécutent des travaux naguère encore exécutés dans la maison, comme celui du blanchisseur ;

  1. Voir là-dessus Bourguin, Les systèmes socialistes, chap. 12.
  2. Cf. Der moderne Kapitalismus, t. 1, chap. 26 à 28. Voir encore, sur cette question, Bücher, Études d’histoire, IV, La disparition du métier.