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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/104

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de telle sorte que les principes de tes actions puissent devenir en même temps les bases d’une législation universelle. »

En bonne logique, on aurait dû passer alors du particulier au général et, à n’envisager que le point de vue abstrait, on pouvait obtenir ce progrès, sans sacrifier les résultats acquis par le relativisme et l’individualisme des sophistes. Au fond, ce progrès se trouve réalisé en morale, dès que la vertu, après la disparition des règles objectives, empruntées à une autorité extérieure, au lieu d’être simplement éliminée, est ramenée au principe de la conservation et de l’amélioration de la société humaine. Les sophistes entrèrent dans cette voie sans avoir conscience de la portée philosophique de cette innovation ; mais leur enseignement ne conduisait-il pas à la faire entrevoir ? On n’eût sans doute pas encore atteint le point culminant, mais on eût marché du moins sur un terrain solide et sûr.

Socrate déclara la vertu une science ; en théorie, ce principe est-il réellement supérieur au système des sophistes ? Quel est, en effet, le sens précis de l’idée objective du bien ? C’est ce que les dialogues de Platon nous apprennent aussi peu que les écrits des alchimistes nous font connaître la pierre philosophale. Si, par science de la vertu, on entend la connaissance des vrais mobiles de nos actes, cette science se concilie aisément avec l’intérêt général de la société. Si l’on objecte avec Socrate que l’homme, entraîné par ses passions, pèche uniquement par ce qu’il n’a pas assez conscience des suites amères d’un plaisir momentané, aucun sophiste ne niera que l’homme, assez bien organisé pour que cette conscience ne lui fasse jamais défaut, soit meilleur que le premier, mais pour l’homme ainsi disposé, le mieux moral, même au sens purement subjectif et individuel, équivaut au bien. Il ne choisira pas le mieux, parce qu’il a la science abstraite du bien, mais, parce qu’au moment du choix, il se trouvera dans un état psychologique différent de celui de l’homme qui ne sait pas